Au niveau de l’agriculture de manière spécifique, les agro-industries impactent moins que les petits exploitants ou les agriculteurs ruraux, indique Joséphine Beyala épouse Eloundou, conseiller technique N°1 au ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (MINEPDED). Pour la simple raison qu’ils ont des systèmes qui leur permettent de contrôler leurs impacts. Ce qui est moins évident pour les petits exploitants et les exploitations familiales où il n’y a pas de système de suivi, expliquent les experts.
Ils l’ont réitéré lors de leur réunion extraordinaire tenue le 30 novembre dernier à Mbankom0o, région du Centre et consacrée à l’évaluation du niveau d’avancement de « L’étude approfondie de l’impact des secteurs agricole et infrastructures sur la biodiversité au Cameroun ». L’atelier se tenait dans le cadre de la participation du Cameroun à la 15e Conférence des Parties à la convention des Nations unies sur la diversité biologique (COP15), qui se tient du 7 au 19 décembre 2022 à Montréal, au Canada. L’activité est par ailleurs adossée à la mise en œuvre de l’initiative BIODEV2030, facilitée depuis 2020 par le Fonds mondial pour la nature (WWF), bureau du programme Cameroun et portée par le MINEPDED.
L’initiative vise à contribuer, par le diagnostic scientifique, à la prise d’engagements sectoriels volontaires susceptibles de contribuer à l’inversion de la courbe du déclin de la biodiversité d’ici 2030 et, restaurer la biodiversité d’ici 2050. « Le constat qui est fait au niveau global c’est qu’il est difficile de parler de conservation sans les entreprises qui impactent l’environnement. Il est également difficile de ne pas tenir compte de l’impact économique des mêmes entreprises qui sont polluantes. Le véritable challenge que l’on a au niveau de nos différents pays en Afrique centrale (en tant que deuxième poumon forestier de la planète après l’Amazonie) est de trouver le juste équilibre entre développement économique et préservation de l’environnement », a déclaré Marie Madeleine Bassalang, coordonnatrice régionale du projet BIODEV 2030 WWF.
L’implication du secteur privé est incontournable
D’après WWF, les actions durables de conservation de la biodiversité ne peuvent pas être adressées sans les entreprises qui impactent l’environnement. Le véritable challenge au niveau des différents pays d’Afrique centrale (considéré comme le deuxième poumon forestier de la planète après l’Amazonie ; ndlr) est de trouver le juste équilibre entre développement économique et préservation de l’environnement.
Le Cameroun, dans le cadre de la mise en œuvre de sa boussole de développement économique à l’horizon 2030 (SND30), ambitionne en marge du processus de création des aires protégées, des parcs nationaux qui sont des approches conventionnelles de préservation de la biodiversité, d’enclencher un processus de restauration des écosystèmes, en prenant en compte tous les services écosystémiques préexistants avant les phases de dégradation. Tel que le souligne WWF-Cameroun, des discussions ont été engagées avec certaines entreprises qui mènent déjà des activités dans ce sens mais qui ne sont pas vulgarisées et partant ne sont pas capitalisées au niveau du gouvernement comme étant des actions de préservation de la biodiversité.
Les pistes de la durabilité environnementale
L’une des mesures préconisées dans le cadre de l’étude commandée par la plateforme IPBES, porte sur l’accompagnement des petits producteurs par les gros producteurs, pour qu’ils adoptent des mesures environnementalement viables. Les processus de certification forestière ont également été engagés par certaines entreprises telles que Telcar Cocoa, exportateur de cacao. Il y a également des processus de restauration où les entreprises prennent sur elles, en marge de leurs obligations légales, de participer à des processus de restauration soit au niveau national, soit dans leurs zones d’intervention. Les bonnes pratiques testées avec succès dans d’autres pays comme la sylviculture ou l’agroforesterie autour des aires protégées devront être adoptées. Il y a aussi des questions liées à la non-utilisation des pesticides qui sont destructeurs de la biomasse terrestre.
En ce qui concerne la lutte contre la déforestation, WWF salue la position du Cameroun qui, dans le secteur de la cacaoculture, s’est engagé dans un processus de cacao zéro déforestation. Des outils seront en outre utilisés par les entreprises du secteur privé pour réduire leur impact sur la biodiversité. « Ce sont des actions qui, si elles sont volontaires, devront nécessiter des coûts et peut-être des incitations qu’il faudra négocier avec les Etats », rassure Mme Bassalang.